Invasion du Pixel Art

Vous n'êtes pas sans savoir qu'une guerre de post-it fait actuellement rage entre différentes entreprises parisiennes, dont le but consiste à imiter des images pixellisées et par là même donner l'apparence d'une société décontractée qui prend du bon temps (n'est pas France Télécom qui veut). Vous saurez toutefois que cette pratique n'est pas nouvelle et se fait appeler le Pixel Art, encore qu'avec ce cas parisien il ne s'agit pas d'art mais juste d'une concurrence amusante affichée.


Toutefois, il est facile d'en trouver dans ce trésor qu'est l'Internet : Le post-it permet à tout le monde de pouvoir mettre en forme des pixels carrés un par un, c'est pourquoi certains utilisent le concept et le déplacent dans quelque chose de beaucoup plus artistique et loufoque, voir par exemple cette vidéo où tout se fait en mouvement grâce à une animation image par image, assez impressionnant.

À la manière du Street Art qui s'est répandu dans les dernières décennies et qu'aujourd'hui tout le monde connaît, il peut se développer dans les rues. En revanche le Pixel Art reste lié à l'univers vidéoludique du plombier international Mario Bros ou à des jeux old-school comme Space Invaders, et remet au goût du jour ces phénomènes illustres des temps de notre enfance. Quoi de plus normal finalement, quand on sait que le pixel est arrivé avec l'essor du jeu vidéo dans les années 1970 et surtout 1980.

 

Ce qui fait son efficacité est bien sûr sa simplicité de réalisation, carré par carré avec couleurs de base. Forcément, sa rapidité d'exécution inspire, cas de Aled Lewis bien décidé à créer une oeuvre par jour grâce au jeu vidéo et ce pendant un an (il s'agit juste d'images sur internet pour cet exemple), le résultat est jovial, plaisant, et vu des milliers de fois par les internautes. Que ce soit avec Peach dont la juppe s'envole ou l'espèce de bestiole de Super Mario Bros 2 dont la tête est remplacé par celle de Ghostface, tout y passe : Link, Daisy, Donkey Kong voire même Duck Hunt (et une madeleine de Proust, une ! Du moins pour ceux ayant connu le jeu).  

À en croire cet homme à l'identité voilée qui fait du Pixel Art de rue, cela se fait pour contrer la présence nocive de la pub. Le terme d'artiste pour qualifier ces personnes peut s'avérer approprié, alors qu'évoquer du vandalisme serait complètement déplacé (encore qu'il reste à voir l'endroit exact où est réalisé l'oeuvre). Au final il s'agit juste de petits marquages symboliques et colorés renvoyant à une culture fun grand public voire à quelque chose de réel, pas de quoi s'indigner. 


Le Pop Art n'est d'ailleurs sûrement pas loin, il suffit de se rappeler son goût pour l'éphémère et du peu coûteux; la dérision sur la consommation en moins, celle de la morosité des villes en plus. Perdure néanmoins chez les deux cette utilisation quasi-publicitaire, ce détournement intégral qui ne fait pas défaut dans le Pixel art, tel que l'illustre assurément l'artiste Jason Eppink qui en vient à pixelliser la pub.


Mais ce n'est pas tout, le pixel et ses délires visuels en 8-bits (256 couleurs) s'invite aussi chez vous avec du mobilier, des vêtements voire des accessoires, on peut en voir quelque uns répertoriés sur ce site, dont le meuble dessiné par des suédois de Frontdesign qui change d'aspect régulièrement, évoquant le roulement publicitaire. Et on ne compte même plus le nombre de tee-shirt avec image pixellisée dont certains font carrément leur commerce, sans parler des sacs, planches de skate, posters... Dans cette boutique l'imagination n'a plus de limites.

Et comment ne pas évoquer Minecraft ? Jeu en ligne ultra-célèbre, qui permet des constructions ahurissantes, elles aussi inépuisables et qui ne répondent qu'à l'imagination du joueur. Les blocs s'empilent comme se démolissent sous la simple volonté créative (ou destructive) de la personne qui joue derrière son écran. Et si je parle de bloc, c'est bien car on diffère du pixel à surface plane qui a ici cédé sa place au cube, d'ailleurs visible dans tout ses angles car le jeu permet de tourner la vue.


Pour continuer sur le cube ou presque, reste le Eboy Blog dont j'ai cité la boutique précédemment, spécialisé dans l'art du pixel mais aussi de la 3D isométrique consistant en "une méthode de représentation en perspective dans laquelle les trois directions de l'espace sont représentées avec la même importance"Par cette technique, le blog parvient à livrer un travail monstrueux, gigantesque de construction, strictement admirable dans la forme comme dans l'utilisation de l'espace et les couleurs. D'autant plus qu'en zoomant tel que je l'ai fait avec la photo du dessus, vous découvrez qu'il s'agit bel et bien d'un assemblage de cubes utilisant la perspective isométrique (qu'on voit beaucoup moins sur l'image en taille normale), il existe donc du Pixel Art isométrique. Et comme vous pouvez le voir, les environnements sont truffés de détails de la culture de l'endroit reproduit, dont ici un sobre hommage à Coluche que vous n'avez je pense pas raté.

D'autres artistes, comme Christophe Baudson, s'intéressent carrément à la peinture en y transposant l'univers du pixel, superbe.


Salvador Dali lui-même est connu pour avoir utilisé le procédé avec son tableau réalisé en 1975 qui représente sa femme Gala nue, de dos et face à la mer, et le président Lincoln que l'on voit apparaître à distance. "Dali savait qu'il fallait approximativement 120 pixels pour un humain pour devenir distinguable d'à peu près 18 mètres" nous informe une traduction de ce site. L'oeuvre, exposée au musée Dali à Figuières, se trouve d'ailleurs située en hauteur afin d'être pleinement discernable par ceux d'en bas (photo du musée).


Pour en revenir au Pixel art traditionnel, on peut dire que sa culture a connu son effervescence avec la célèbre vidéo de Patrick Jean qui a fait le tour du web, où tout ce joli monde pixellisé prenait d'assaut la terre, chacun avec ses attributs propres de destruction. Épatante vidéo, ingénieuse et qui célèbre le genre, de Tétris à Pacman en passant par le casse-brique. Une invasion qui n'est pas non plus sans rappeler celle à Libération transformé par les invaders. Pour autant, la domination du pixel, même dans l'art, n'est pas très voyante, tantôt relégué à la rue, tantôt à des expositions timides, au même titre que le Street Art finalement. Reste que cela est plaisant à regarder... Quand on a la chance d'en croiser.


Condamné à des batailles de post-it de geeks sur vitres alors ? Évidemment que non, le pixel garde cet aspect enfantin qui met un peu de fraicheur quand on en voit (ne pas oublier les QR codes de plus en plus présent, eux aussi sous forme de pixels mais dans un autre but). Lié à la culture du old-school, la création de Pixel Art est inépuisable et d'une grande richesse. Faisant le choix de célébrer un patrimoine vidéoludique international, on tient là une mode qui attire et attirera encore, preuve en est que même les plus grands d'aujourd'hui (Angry Birds ou Assassin's Creed) n'hésitent pas à se faire un lifting de pixels pour se donner cet aspect rétro attractif. 


Partager

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Europe, la dernière chance ?

Pisse of art

Et mes fesses, tu les aimes mes fesses ?