Laurence Anyways, chic mais too-much

Grand et fastidieux retour du jeune mais déjà très célèbre Xavier Dolan avec ce Laurence Anyways d'une durée de 2h45. Troisième film, trois fois plus ambitieux, trois fois plus casse-gueule dira-t-on. Le jeune homme touche-à-tout (producteur, monteur, acteur parfois, réalisateur surtout), livre ici son film le plus adulte et le plus écrasant.

Dès le tout début, rien ne nous est épargné de tous les tics habituels du prodige québecois qui se livre à une sorte d'onanisme sur tout ce qui marque habituellement son cinéma : ralentis, recherche du plan original, cadre très serré (le format 4/3 déroute). En l'état, c'est presque irrégardable tant le style foisonnant est surchargé et peine à accrocher sur la complicité du couple dont la moitié des dialogues sont étouffés par les musiques présentes. Bien heureusement, Dolan relâche peu à peu la pression et laisse respirer son film, traçant le cadre autour de ses deux acteurs principaux, au calme, et laissant peser le poids de la révélation de l'homme désirant devenir femme. 


Chose inattendue, Suzanne Clément sera le plus grand intérêt du film, loin devant Melvil Poupaud qui joue pourtant très convenablement ce rôle de transexuel en quête de liberté. C'est même sur ses épaules à elle que vont se porter les longues heures du film, et sur elle que le propos aurait judicieusement gagné à être axé. En effet, loin d'être inintéressante, la transformation de Poupaud n'emporte pas totalement l'adhésion, bien qu'elle livre son lot de scènes mémorables comme celle de l'arrivée en classe où la pression est palpable. Mais c'est plutôt l'acceptation de sa femme qui émeut, touche, et nous emporte sur cette longue fresque de dix années de la vie d'un couple. Suzanne Clément délivre ainsi une prestation d'une justesse incroyable, ébouriffante avec ce que Dolan fait d'elle :  un spectacle pimpant qui défile comme un mannequin et modèle de coiffure. Un spectacle qui trouve son apogée lors de la bluffante scène du bal fastueux où elle déambule, fêtarde, dans une esthétique quasi-publicitaire voire clipesque vu le contenu musical entraînant. 

Xavier Dolan n'est ainsi pas en reste quand il s'agit d'éblouir par des scènes virtuoses sachant user avec grande maîtrise d'une bande originale plus que soignée. Il l'a déjà fait et il le fait encore avec grand plaisir. De Visage en passant par Moderat, des sonorités électrisantes nous amènent précieusement vers de très belles choses cinématographiquement parlant. Ainsi, si les 2h45 peuvent paraître longues par instant, en plus d'un agrandissement du cadre à partir de la moitié afin d'introduire des personnages secondaires inutiles ne servant qu'à relancer l'histoire, Dolan sait nous chérir avec des séquences d'une beauté folle. Parmi les plus dingues, on compte évidemment celle de la pluie de fringues dans le ciel, sans doute l'un des plus grands passages à voir au cinéma depuis des semaines (je dirais depuis le Faust de Sokourov). Xavier Dolan touche enfin à l'art, la création, sans faire dans l'excentricité pompeuse habituelle dont le début du film et d'autres moments sont la caricature la plus outrée, enchaînant effets de style outranciers et musiques classiques too-much. 

Ce Laurence Anyways, s'il demeure inférieur à J'ai tué ma mère ou Les amours imaginaires, reste un film qui se suit sans déplaisir mais déborde par son trop-plein de style, son trop-plein de personnages encombrants et ses intrigues secondaires qui ne trouvent pas leurs voix. Xavier Dolan assurait vouloir réaliser son Titanic à lui, et s'il y a bien l'amplitude de la durée, la frénésie du couple bousculé par des choses nouvelles tourne très souvent à vide et verse bien trop dans le remplissage. Dommage, car une fois fini, hormis la tolérance qu'auront acquis certains spectateurs peut-être réticents, il ne reste que trop peu de choses de cet amour impossible dont le seul but est de questionner sur ce qui a changé aujourd'hui. 

Commentaires

  1. Je ne suis pas vraiment d'accord sur la lourdeur et la musique classique à outrance, je le trouve plutôt bien mené et d'une grande sensibilité, je suis peut-être l'un des "spectateur indulgent" dont tu parles mais personellement j'ai trouvé qu'il faisait mouche et confirmait le prodige Dolan.

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