Twin Peaks, découverte 20 ans après...

Twin Peaks. Durant 4 jours ces mots ont résonné dans ma tête pour opérer une alchimie improbable, une attraction incompréhensible. Je me retrouve à enchaîner les épisodes quasiment les uns à la suite des autres, passant par des stades émotionnels assez variés durant le visionnage de cette vaste oeuvre de Lynch, maître incontesté que j'admire absolument tout en n'appréciant que très peu de films de sa filmographie, étrange, à l'image de sa filmographie dira-t-on.


Durant cette longue déroute donc, j'ai rencontré la surprise, la déception, l’incompréhension, les larmes, le bonheur, la joie, le choc, l’ennui profond et j’en passe. Twin Peaks a pour moi des qualités indéniables, mais aussi d'énormes défauts sur lesquels je reviendrai. Je tâcherai par ailleurs dans ce journal de bord de mon expérience avec cet univers, d'éviter les spoilers. Pour démarrer, petite bande annonce pour ceux qui ne connaitraient pas.


Comment j'en suis venu à enfin voir cette série ? C'est simple, cela faisait déjà près de 2 ans que j'en entendais parler comme étant vraiment magistrale et révolutionnaire pour le monde télévisuel, à classer dans le podium des meilleures séries où semblent siéger Six feet under et The soprano, et lorsque j'ai découvert que Arte allait la diffuser, c'est le coeur haletant que je me suis jeté sur la chaîne le mardi 19 avril 2011. Ça y est, le somptueux et doux générique démarre, Twin Peaks en VOST, enfin. Et là vint donc le drame de ma soirée, comme pour beaucoup d'autres qui ont eu la surprise, Arte n'a pas eu les droits de la VOST et diffuse donc la VF. Très déçu, je me décide à jeter un oeil tout de même et me retrouve assez vite conquis, très touché et ébahis, la première demi-heure étant bourré d'émotions fortes. Un pilote tout ce qu'il y a de plus réussi donc, et qui lance la cultissime réplique de "Qui a tué Laura Palmer", phrase indélébile qui ne me quittera plus. L'heure de diffusion finit par m'achever à l'idée que : Non, arte, je te serai infidèle, je me trouverai la série en VOST, j'achèterai le coffret, je veux tout voir, et je le veux maintenant ! 

Et là, second heurt, seconde déception et pas des moindres, il est impossible de voir Twin Peaks dans des conditions légales, justes et à prix correct en France, me voilà à halluciner et à crier une énième fois contre TF1, éditeur de coffrets semble-t-il défaillants dans les épisodes, le tout avec un packacking laid, là où partout ailleurs ils ont la superbe Golden Box edition ! Twin Peaks, outre son histoire de diffusion sur lequel je vais revenir, continue donc par être tourmenté par des sombres entreprises. 

Car Twin Peaks est surtout ça, une voix labyrinthique qui aurait fait un accident sur la Mulholland Drive, croisant cauchemard éveillé d'assister à une série non achevée, au rêve d'en voir une accomplie. Dés lors, la réalité reprend son pas, la série qui avait démarré avec 30 millions de spectateurs pour son pilote, n'a cessé de s'effondrer, de changer de cases horaires, d'être bouleversé dans son sens artistique par la chaîne ABC assistant impuissante à une perte lancinante d'audience. Les deux derniers épisodes se faisaient même martyrs de la télévision, sacrifié sur l'autel de l'audimat, heureusement, les fans savent se scandaliser quand il le faut et réclamer ce qu'on leur doit par simple respect.


Si le pilote d’introduction à la série m’a donc achevé dés sa première demi-heure et m’a donné absolument envie de voir la suite, dont le fil rouge "Qui a tué laura palmer ?" était ce qui m'intéressait le plus jusqu'à tourner à l'obsession, la déception pointera finalement vite son nez. Et là réside pour moi tout le problème avec cette série : Mais quel est donc l'intérêt de certains personnages ? Que ce soit Nadine, ou encore l'autre raté plus-tête-à-claque-tu-meurs enfermé dans sa maison-bibliothèque, voire même Josie qui peine à devenir intéressante avant un bon moment, personnage lisse à mourir comme bien d'autres. Des caractères tous plus ennuyeux les uns que les autres, Catherine et le maître d'hôtel eux aussi mettent un sacré temps avant de dégager un minimum d'intérêt. Heureusement que les géniaux Andy et Lucy venaient éclaircir les épisodes par leurs frasques ridicules, deux rares personnages (avec Cooper et une ou deux femmes) attachants dés le début, bien qu'ils seront surutilisés à tord pour du meublage scénaristique au fil des épisodes, toujours dans le but de ralentir la seule intrigue passionnante dont on attend infiniment la conclusion, celle de Laura.

Je comprends bien pourtant que le réalisateur essaie de donner vie à la ville entière à travers ses nombreux personnages, pas tant caricaturaux mais surtout grotesques (voulu dans un esprit surréaliste sûrement, sauf que parfois le bas blesse) et qui passent leurs temps à siroter des cafés au coin d'un bar, ce qui est, vous en conviendrez, pas la chose la plus intéressante à voir.


Twin Peaks repose donc presque que sur ça, des meubles, des meubles et encore des meubles, des obstacles sur une route bien tracée dont on peine à atteindre le bout, triste. Une quinzaine ou vingtaine d’épisodes qui auraient pu être géants mais qui sont étalés en une trentaine avec des personnages d’une vacuité exemplaire, des ralentissements scénaristiques qui n’en finissent plus et des relances sur lesquelles je dirai un mot plus bas. Au fond, oui, Laura Palmer, c’est tout ce que je voulais, et l’intrigue peinait à avancer de quelques centimètres par épisode.

Déception ? Alors oui, et pourtant je continuais à avancer à une vitesse folle, la série dégageant une force d'attraction intense, dû à un pilote qui lance un mystère dont on veut absolument et rapidement les clefs. De par ce mystère principal je restais en haleine tout en sombrant dans l’ennui insurmontable. Alors il y avait bien des moments de bravoure, dont la BO évidemment. La première chose de cette série, et son plus grand point fort, c’est forcément ça, son thème principal et consorts, leitmotivs de l'intrigue dramatique, amoureuse ou autres. On a aussi quelques superbes musiques de Julee Cruise, illuminant le bar par ses apparitions. Par contre tout ce qui touchait au jazz j’accroche pas du tout, mais qu’importe. David Lynch parvient souvent grâce à ces musiques à toucher à quelque chose d'unique et complètement magique, telle cette scène de danse à la lampe torche, réalisée avec perfection et surtout inventive. Le genre de scènes que j'aurais souhaité voir plus nombreuses...


Si j'ai apprécié la première saison malgré de nombreuses faiblesses, je n'étais pourtant pas au bout de mes surprises avec la saison 2. Twin Peaks se divise d'ailleurs en deux parties distinctes, la première partie centrée sur l'intrigue de Laura se déroule sur un peu plus qu'une quinzaine d'épisodes (étendues sur les deux saisons), puis vient la seconde histoire. Si tout le début de l’officielle saison 2 est d’un ennui redoutable pendant près de six épisodes, le cliffangher du septième est absolument titanesque et parvient quant à lui enfin à remonter la pente. C’est décidé, je suis de nouveau fan, sachant surtout que les fameuses révélations arrivent enfin, à moi la surprise, le choc de ce dont tout le monde parle depuis toujours, "QUI A TUE LAURA PALMER ?!".


Et là, déception encore, l'épisode cité en haut était en fait le grand épisode attendu, ce qui se trouve alors ensuite est juste une explication totale et plus claire de la chose. Du coup, plus vraiment de twist dans l'épisode promis (le neuvième), mais reste de belles séquences d’émotions qui tirent un trait efficacement (ou presque) sur la fin d'une réelle première saison, celle centrée autour de Laura. Le pire étant alors à venir, les nauséabonds épisodes 10 et 11 qui peinent à relancer l’intrigue et qui s’enfoncent à pied joins dans la paresse d'écriture où rien ne se passe, de quoi redécrocher à nouveau, surtout qu'en moi résonnaient alors les avis lus à gauche à droite : Ça y est, les fameux épisodes moins bons que tout le monde évoquait étaient là, et je vais devoir m’accrocher pour tenir jusqu’à la fin pour enfin avoir la clef de cette intrigue qui, je l’espérais, donnerait sens à cette foule de personnages et de choses tordues. Une fois donc la réponse du tueur de Laura Palmer résolue, on entame une seconde partie qui tentera de joindre les deux bouts, à la fois tout ce qui suit, et tout ce qui a précédé, dur travail que Lynch entreprend avec cohérence et réussite. D'autant plus que la seconde saison touche beaucoup plus à ce que j'admire chez ce réalisateur : la perte de sens et le fantastique bizarre.


Car pourtant, en dépit d'avis négatifs sur cette deuxième intrigue, dés l’épisode 12 et son cliffangher, la seconde partie de Twin Peaks se lance pour de bon, de quoi à nouveau suivre avec attention, d’autant plus que le rythme va s’améliorer et ce que jusqu’à la fin où on atteindra une certaine apothéose dans l'avant-dernier épisode. Oui, durant les neuf derniers, tout monte en puissance jusqu’à l’éléction miss Twin Peaks qui m'a cloué littéralement au sol, noyé dans les larmes et le choc, la magie d’une mise en scène hallucinante, époustouflante, je retrouve Lynch. Et c’est sans parler de l’épisode 18 où une simple scène de romance me touche profondément, joué admirablement par les interprètes de Cooper (dont les mimiques sont justes grandioses, on découvre une facette jamais vue du personnage) et Annie, une romance qui démarre dans une efficacité admirable, sous nos yeux et ceux du shérif Harry, le tout sur fond sonore radieux, avec au loin Lynch qui continue de brailler. Drôle, touchant, séduisant… La naissance d'un amour comme on le voit rarement tourné aussi efficacement.


Passée la scène magistrale qui clôt l’épisode 21 arrive alors LE FAMEUX DERNIER EPISODE que j’attendais, l’inespéré, celui qui sauverait ma déception de la fin de la première partie (dont j’entendais monts et merveilles sur des révélations finalement convenues), épisode où il y aurait tout, à la fois cocktail explosif qui viendrait résoudre intégralement le mystère Twin Peaks, mais aussi qui ferait de cette série le mythe dont tout le monde parle.

Et là, déception à nouveau, encore que... Parlons plutôt d'incompréhension, l’apothéose lynchienne (bien que j'adore le réalisateur) étant très déconcertante, presque fatiguante par sa longueur. Clore la série sur pareilles scènes est assez impressionnant, l'idée est vite donnée que c'est une invitation à de multiples revisionnages, rien de bien nouveau donc pour une oeuvre de Lynch. Mais autant avec un superbe Mulholland Drive d’une durée moindre ça passe, autant pour plus d’une vingtaine d’heure de série, je reste dubitatif, mais je ne dirai pas non à replonger un jour dans cet univers fascinant, surtout frustrant.


Je resterai sur un avis globalement donc très positif, et peu importe les nombreux épisodes dont le visionnage équivalait à un certain supplice très emprunt à la lassitude. Car à la fin, tout prend un sens ou presque, il manque alors juste la saison 3 de prévue qui n'a hélas jamais été tournée faute d'audience. Reste alors une série malheureusement non achevée, envoûtante et révolutionnaire pour le petit écran, dont certaines séquences frôlent l'inimaginable à voir, quelque chose dont on sait que seul ce réalisateur peut en concocter et qu'on est pas prêt de revoir de sitôt dans un format télévisuel. Merci et grand bravo à David Lynch pour cet expérience unique.


Quant au film Twin Peaks : Fire walk with me, celui qui est à voir après avoir entièrement découvert la série, il s'avère très décevant et peine à démarrer en s'étalant beaucoup trop sur le cas du meurtre de Teresa. Au bout d'une demi-heure démarre le thème principal avec la vraie Laura Palmer sous les yeux, le mythe (re)prend vie, c'est assez élégant et plaisant à voir. Cependant, l'actrice peinera à convaincre face à des mastodontes comme Naomi Watts et Laura Dern, qui elles réussissaient à tenir un film entier sur leurs épaules dans Mulholland drive et Inland Empire. Or là, c'est assez ennuyeux, l'intrigue dévoile peu de choses nouvelles et va jusqu'à détruire le mythe en transformant cette jeune Laura Palmer en blonde poufiasse crachant sa douleur à la face du monde, plutôt lourd tout ça. Finalement, peut-être était-il mieux de ne pas assister à sa vie privée. Heureusement, les dix dernières minutes sont jouissives et explosives, très lugubres. Je retiens du long-métrage le plaisir simple de revoir toutes les têtes ou presque, mais pour l'ambiance et le scénario, on repassera, tout au plus dira-t-on que ça peut servir de pilote à la série entière, ou d'un bonus à découvrir une fois celle-ci finie, rien de bien important donc, et qui restera incompréhensible pour quiconque n'a pas regardé la série.


Partager

Commentaires

  1. Je ne sais pas si tu as vu le film Poupoupidou avec Jean-Paul Rouve, mais j'avais entendu dire que c'était un twin peaks à la française.
    http://www.buzzmygeek.com/2011/01/poupoupidou-jean-paul-rouve-critique-du-film/

    RépondreSupprimer
  2. poupoupidou un twin peaks a la francaise....que ne faut il pas lire...en plus de cet article d'un soi disant lynchien
    ...je crois qu'il va falloir grandir un peu et prendre le temps de ragarder, de s'impreigner de l'ambiance, de la lenteur (qui n'a plus droit de cité dans les productions actuelles...), des details, bref, ouvrir les yeux sur tout ce qui fait les oeuvres de Lynch.

    RépondreSupprimer
  3. Cette série est juste incroyable au passage

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Vous souhaitez réagir à cet article ? Allez-y :-)

Posts les plus consultés de ce blog

Europe, la dernière chance ?

Pisse of art

Et mes fesses, tu les aimes mes fesses ?